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vendredi 16 janvier 2015

Le fer et l'architecture

Une étude, résultant d'une collaboration entre le Laboratoire archéomatériaux et prévision de l'altération(CNRS/CEA), le Laboratoire de mesure du carbone 14 (CNRS/CEA/IRD/IRSN/Ministère de la Culture et de la Communication) et l'équipe Histoire des pouvoirs, savoirs et sociétés de l'Université Paris 8, publiée dans le numéro de janvier 2015 de la revue Journal of Archaeological Science, vient tout récemment de confirmer que les anciens bâtisseurs médiévaux utilisaient le fer dans la construction même, et ce, dès le début des édifications.
Ci-dessous, partie de l'article du 17 décembre 2014, émanant du CNRS.

En croisant leurs compétences (en archéologie, histoire, sciences des matériaux, chimie…), (les chercheurs) viennent d'apporter la preuve que les renforts métalliques ont été pensés dès l'origine comme un complément à la pierre.
Les chercheurs sont parvenus à ce résultat en mesurant la quantité de carbone 14, présent à l'état de trace dans le métal. En effet, en Europe, jusqu'au Moyen Age, le minerai est réduit en métal dans des fourneaux utilisant du charbon de bois, dont une partie du carbone diffuse et se retrouve piégée dans le métal (sous forme de lamelles de carbures de fer). Ainsi, on peut extraire ce carbone du métal, dater l'arbre qui a servi à obtenir le charbon, et estimer l'âge du métal. La méthode paraît simple, mais elle n'avait encore jamais été mise en œuvre de manière fiable, car les métaux ferreux archéologiques sont des matériaux très complexes, contenant du carbone de plusieurs sources. Il a été nécessaire de mettre au point avec le Laboratoire de mesure du carbone 14 une approche d'extraction du carbone qui soit adaptée au matériau. Ce qui a également fait le succès de cette étude, c'est l'expertise des métallographes du Laboratoire archéomatériaux et prévision de l'altération, qui, en collaboration avec des collègues archéologues et historiens du CNRS, étudient depuis une dizaine d'années la structure, les procédés de fabrication et l'utilisation des métaux dans les cathédrales gothiques.

En croisant la datation au carbone 14 avec des indices archéologiques, l'équipe de chercheurs a abouti à une chronologie fine (à quelques années près) de l'intégration des éléments métalliques dans les cathédrales de Beauvais et de Bourges. Ainsi, ces travaux montrent, pour la première fois de manière absolue4, que des éléments métalliques ont été utilisés en cours de construction, comme à Bourges, ou même pensés dès la conception des édifices, comme à Beauvais.

A Beauvais, plusieurs des tirants métalliques qui soutiennent les arcs-boutants portent des graffitis du XVIIIe siècle, ce qui laissait penser que le métal pouvait être un ajout tardif. Mais certaines pièces se sont avérées dater du début de la construction, vers 1225-1240, suggérant que pour réussir à édifier le plus haut chœur gothique au monde (46,3 mètres), le fer a été pensé comme un allié de la pierre dès sa conception. Dans le chœur de la cathédrale de Bourges, plus ancien (1195-1214), un chaînage métallique entourant le chœur s'est révélé contemporain de la construction. Cependant, il contourne un groupe de colonnes alors qu'il passe sous certaines autres, ce qui montre qu'il n'a sans doute pas été pensé dès l'origine mais intégré en cours de chantier. Cette analyse confirme que les chantiers de cathédrales étaient de véritables laboratoires où les bâtisseurs, issus de plusieurs corps de métiers, testaient des techniques de construction pour réussir ces défis architecturaux.

Cette approche de datation absolue ouvre la voie à un renouvellement des connaissances autour des chantiers de construction médiévaux. L'équipe de chercheurs va prochainement réaliser des prélèvements sur la Sainte-Chapelle et s'intéresse aussi à la datation des temples et au commerce du fer dans l'Empire khmer.


Espérons que les chercheurs concernés aient l'idée prochainement d'appliquer cette nouvelle méthode aux ruines de Puma Punku dont les mystérieux forages et autres percements rectilignes dans les blocs de pierre ouvragés ayant constitué un ou des bâtiments il y a fort longtemps (en des temps indéterminés, et là est aussi l'intérêt) laissent à penser que des câbles ou des tubes vraisemblablement métalliques ont été utilisés par leurs concepteurs de l'Altiplano andin... (j'évoque la plausibilité de cette technique dans mon livre Lumière sur les temps, pp 46-48).

Une chose est certaine : lorsqu'une équipe pluridisciplinaire de chercheurs est constituée, les résultats et les découvertes sont au rendez-vous !









Lien vers l'article du CNRS dans son intégralité : http://www2.cnrs.fr/presse/communique/3853.htm

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